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Pourquoi donner des noms de virus à des lieux géographiques peut-être problématique.

  • Cbrne tactical
  • 28 janv.
  • 6 min de lecture

Le nom des virus est un sujet qui ne soulève pas seulement des questions scientifiques, mais aussi des préoccupations éthiques et sociales.


L'impact d'un nom, en particulier celui d'un virus, va bien au-delà de la simple identification ; il peut affecter des populations, des régions, et même l'économie mondiale. Dans ce contexte, la pratique de nommer les virus d'après les lieux où ils ont été découverts soulève des problématiques considérables.


Des virus comme Ebola, Hendra, Machupo ou encore Nipah ont été associés à des lieux géographiques, mais cette habitude vieille de plusieurs siècles est aujourd'hui remise en question.


L'historique des noms de virus et les raisons scientifiques


L'histoire de la dénomination des virus remonte aux premiers jours de la microbiologie. Lorsque les scientifiques ont commencé à identifier les agents pathogènes responsables des épidémies, il était souvent plus simple de donner des noms basés sur l'origine géographique de l'infection. Cela permettait d'avoir une désignation rapide et pratique pour évoquer la source d'une épidémie. Ainsi, certains des virus les plus célèbres de l’histoire ont été nommés d’après les lieux où ils ont été découverts.


Ebola : En 1976, une épidémie meurtrière éclata près de la rivière Ebola, en République Démocratique du Congo. Les chercheurs ont ainsi utilisé le nom de la rivière pour éviter de stigmatiser directement le village de Yambuku, bien que l’épicentre de l'épidémie fût situé là. Ce choix de nom semblait tout à fait logique à l'époque, car il permettait de localiser rapidement la source de l’épidémie, sans pour autant pointer du doigt un village spécifique. Pourtant, la décision n'a pas totalement évité la stigmatisation. Les associations négatives liées au nom "Ebola" ont persisté, et les habitants de la région ont continué à être perçus sous l’ombre du virus, même après la fin de l’épidémie.



Hendra : En 1994, une épidémie virale se produisit en Australie, dans un quartier appelé Hendra, en banlieue de Brisbane. Ce virus, qui appartient à la famille des Paramyxoviridae, a été transmis à l'homme par les chevaux, eux-mêmes infectés par des chauves-souris. L’épidémie a frappé cette région de manière brutale, et son nom est resté attaché au quartier de Hendra. Cependant, cette association a créé une image négative de la région qui perdure encore aujourd’hui, bien après que l’épidémie ait été contenue. Les habitants du quartier se sont retrouvés souvent perçus comme des parias, même si aucune nouvelle épidémie n’y a eu lieu depuis. Ce phénomène de stigmatisation a aussi eu un impact sur le tourisme et sur l'économie locale, le nom "Hendra" étant désormais associé à une maladie grave.


Machupo : Le virus Machupo, responsable d’une fièvre hémorragique en Bolivie, a été nommé d’après une rivière bolivienne, le Machupo. Ce virus a contribué à alimenter des stéréotypes sur la dangerosité de certaines régions tropicales, notamment en Amérique du Sud. Les répercussions de cette dénomination géographique ont non seulement affecté l'image de la région, mais ont également nourri une perception erronée de la Bolivie et d’autres pays voisins comme étant des foyers de maladies infectieuses graves. Ces représentations ont eu des conséquences sur la perception du pays à l’international, notamment dans les domaines du tourisme et des échanges commerciaux.



Nipah : Un autre exemple pertinent de la dénomination géographique est le virus Nipah, identifié pour la première fois en 1998 en Malaisie, dans la région de Nipah, d'où il tire son nom. Ce virus, appartenant également au genre Henipavirus, a causé une épidémie dévastatrice qui a affecté à la fois les humains et les porcs, les chauves-souris frugivores étant les réservoirs naturels. L’épidémie a été particulièrement marquante, et le nom "Nipah" est devenu inextricablement lié à la région. Bien que l’épidémie ait été contenue, cette dénomination a contribué à nourrir la peur et à renforcer l’idée selon laquelle la Malaisie et ses voisins étaient des zones à risque. Le nom "Nipah" a ainsi eu un impact durable sur la perception de la Malaisie, affectant son image à l'international, notamment dans le secteur du tourisme. Les autorités sanitaires ont fait des efforts pour rassurer la population et les visiteurs étrangers, mais les stigmates liés à cette dénomination sont restés présents pendant longtemps.



Les conséquences négatives de l'association des virus à des lieux


L’attribution de noms géographiques aux virus peut sembler anecdotique, mais les conséquences sur les populations et les régions touchées sont bien réelles. Voici quelques impacts majeurs :


Stigmatisation des populations locales:


Lorsqu’un virus porte le nom d’une région ou d’un lieu, il devient impossible de dissocier l’épidémie de cette zone géographique. Par exemple, lorsqu'une épidémie de Hendra frappe un quartier en Australie, les habitants de cette région se retrouvent souvent perçus comme des parias, même s’ils ne sont pas directement impliqués dans la propagation du virus. Cela peut entraîner des discriminations sociales et des tensions au sein des communautés. Un effet similaire s’est produit avec l'épidémie d'Ebola, où les habitants des zones touchées ont été injustement associés à la maladie, parfois même dans des régions éloignées où le virus n’avait pas frappé.


Impact sur le tourisme et l’économie locale:


Les régions associées à des virus spécifiques souffrent souvent d’un déclin économique, en particulier dans des secteurs comme le tourisme. Lorsqu’un virus est lié à un lieu, ce dernier peut devenir une zone redoutée et, par conséquent, moins fréquentée. Les touristes hésitent à visiter un endroit lié à une épidémie, ce qui peut sérieusement affecter l’économie locale. Par exemple, la République Démocratique du Congo, fortement associée à l'épidémie d'Ebola, a vu une baisse de l’intérêt touristique et une chute des investissements en raison de cette réputation. Les efforts de développement économique sont souvent freinés par l'image négative qui colle à ces zones géographiques.


Durabilité de l’association avec la peur:


Les noms géographiques restent gravés dans l’imaginaire collectif bien longtemps après la fin de l’épidémie. Ce phénomène est particulièrement visible avec les virus graves comme Ebola. Même après l’éradication de l'épidémie dans certaines régions, le simple fait d’entendre le nom "Ebola" peut susciter des réactions de peur et de rejet, indépendamment de la réalité actuelle de la situation dans ces régions. Cette association prolongée avec la peur peut être dévastatrice pour l'image d’une population ou d’un territoire. De même, les effets du virus Nipah se sont propagés bien au-delà de la Malaisie, car le nom de la région est devenu synonyme de danger.


Risques de culpabilisation et de déresponsabilisation:


Lorsque des virus sont associés à un pays ou une région, il y a aussi un risque de culpabilisation. Les personnes issues de ces zones peuvent être perçues comme responsables, même si elles ne sont pas impliquées dans la propagation de la maladie. Ce phénomène peut créer des divisions sociales et réduire la coopération internationale. La stigmatisation des populations locales en raison d’un nom géographique peut également engendrer un sentiment de honte ou de dévalorisation.


Les solutions proposées : vers des noms plus neutres


Pour contrer ces effets, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réagi en 2015 en mettant en place des directives visant à éviter les noms géographiques dans la dénomination des virus. L'objectif était de protéger les populations et les régions contre la stigmatisation et de garantir une désignation plus scientifique et neutre. Voici quelques exemples de changements de noms pour des virus récents :


SARS-CoV-2 : Ce virus, responsable de la pandémie de Covid-19, a été nommé d’après sa structure génétique, sans lien avec une région géographique spécifique. En effet, l’utilisation de termes comme "coronavirus" a permis de neutraliser toute référence à un pays ou à un continent.

Grippe aviaire : Plutôt que de nommer ce virus d’après une région où il était initialement présent, l’OMS a choisi de mettre l’accent sur le mode de transmission (via les oiseaux), afin de ne pas stigmatiser une zone géographique.

L’importance des noms scientifiques et neutres:


En optant pour des noms basés sur des critères scientifiques (structure génétique, mode de transmission, etc.), l'OMS a cherché à éviter les associations indésirables. Ces noms ne sont pas seulement neutres, mais ils permettent également de mieux comprendre le virus sans lier des émotions négatives à des endroits spécifiques.


L’impact positif des changements:


Les noms neutres contribuent à réduire les discriminations et à donner une image plus objective des maladies. En évitant de relier un virus à une région ou une population spécifique, ces nouvelles désignations permettent de concentrer l’attention sur la nature du virus plutôt que sur des préjugés.


L'avenir de la dénomination des virus : un enjeu mondial


Le débat sur la dénomination des virus ne se limite pas à un simple changement de terminologie. Il a des répercussions profondes sur la manière dont nous percevons les épidémies et les populations affectées. Le défi consiste à trouver un équilibre entre une désignation précise et un respect des principes éthiques.


Conclusion:


La pratique consistant à nommer les virus d’après les lieux géographiques où ils ont été découverts a longtemps servi de méthode pratique pour identifier et suivre les épidémies. Cependant, les conséquences sociales, économiques et psychologiques de ces dénominations ont mis en lumière les dangers de cette approche. La transition vers des noms neutres et scientifiques semble non seulement nécessaire mais aussi urgente, afin de garantir une approche plus respectueuse des individus et des communautés affectées par ces maladies.


Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, il est plus que jamais important d’adopter des pratiques qui ne renforcent pas les stéréotypes ni les divisions, mais qui permettent de se concentrer sur des solutions globales aux défis posés par les épidémies.

 
 
 

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